Vulgarisation scientifique - La radioactivité

Article écrit par Thomas Gysemans#0001

Publié le 6/23/2023 , modifié le 7/5/2023

On a vu que l'énergie des atomes pouvaient être utilisée pour créer des bombes atomiques destructrices. Mais quelle est l'origine de cette énergie colossale contenue dans une si petite chose ?

La radioactivité est possible dans l'Univers grâce à l'interaction faible. C'est elle qui permet la transformation de la matière et on va voir que la radioactivité repose beaucoup en cela.

Découverte :

Marie Curie est particulièrement connue pour ses travaux sur la radioactivité. C’est au début du 19e siècle qu’elle et son mari travaillèrent sur les rayons émis par l’uranium jusqu’alors inexpliqués. Ils découvrirent que les minéraux contenus dans l’uranium émettaient encore plus de rayonnement que l’uranium lui-même. Cet élément fut renommé "radium" et les rayonnements "la radioactivité".

La découverte du radium étonna tellement le public qu’il lui prêtait des vertus magiques et médicinales, via la diffusion dans les journaux de théories un peu folles, selon lesquelles la radioactivité soignait les cancers, la tuberculose, les chagrins d’amour... On voyait même des jeux de société pour enfants avec des éléments radioactifs, ou encore des sous-vêtements radioactifs… Alors oui, la radioactivité est désormais utilisée pour soigner les cancers (la radiothérapie et chimiothérapie) mais l’exposition à la radioactivité est mortelle. C’est ce qui causa la mort de Marie Curie en 1934.

L'origine de la radioactivité :

Mais d’où vient la radioactivité ? Quelle est l’origine des rayonnements ? Ces questions sont restées longtemps sans réponse, mais aujourd’hui, le phénomène est bien compris des scientifiques. En effet, les atomes ne sont en réalité pas immortels, ils sont capables de changer de nature, de masse, de propriétés physiques, de se métamorphoser... La radioactivité est le moyen qu’a un atome d’évacuer son excès d’énergie. Il s'agit d'une réaction nucléaire spontanée au cours de laquelle le noyau va éjecter des particules tout en émettant un rayonnement électromagnétique, pour se transmuter en un noyau plus stable.  

À titre d'exemple, imaginez une pomme qui s'apprête à tomber d'un arbre. Lors de la chute, l'énergie potentielle de la pomme (ou énergie de départ) se convertit en énergie cinétique (énergie de mouvement). Une fois la pomme au sol, elle perd son énergie cinétique car elle n’est plus en mouvement, et son énergie potentielle est moindre que son énergie initiale. La chute de la pomme lui a permis de diminuer son énergie potentielle, ce qui a pour effet de rendre la pomme plus stable.

Pour aller plus loin, les atomes sont composés de trois particules différentes : le proton avec une charge électrique positive, le neutron avec une charge électrique neutre ; ces deux particules composent le noyau. Les électrons tournent autour avec une charge électrique négative. Lorsque deux particules avec une même charge sont proches, elles se repoussent, c’est le contraire quand les charges sont identiques. Le neutron n’intervient pas dans ce genre de phénomène électrostatique. La force nucléaire permet de maintenir toutes ces particules entre elles dans l’atome. Ce sont ces phénomènes qui définissent si un atome est radioactif ou non. C’est-à-dire que si dans un noyau, les protons et les neutrons sont en nombre tel que la force nucléaire et la répulsion électrostatique se compensent, l’atome reste stable. Au contraire, s’il existe un déséquilibre entre la force nucléaire et la répulsion électrostatique, l’atome est instable, donc radioactif : il finira par se désintégrer d’une durée d’autant plus vite que le déséquilibre entre les forces est important.

Répulsion et attraction électrostatique

Trois types de radioactivité :

Au cours de la radioactivité alpha (de signe : α) des particules alpha sont émises du noyau, particules composées de 2 neutrons et de 2 protons très solidement accrochés entre eux. Ce type de radioactivité a lieu quand l’atome est surchargé à la fois en protons et en neutrons.

La radioactivité alpha

La radioactivité bêta-moins (de signe β-) se produit lorsque le noyau possède trop de neutrons. Elle se caractérise par le rejet d’un électron provenant du noyau. Le problème avec ce phénomène c’est que l’électron ne provient apparemment de rien car il n’y en a pas dans le noyau. L’explication vient du fait que l’un des neutrons se transforme en un proton qui reste dans le noyau, et cette transformation est accompagnée de la création d’un électron. Ce processus est appelé la désintégration bêta-moins.

La radioactivité bêta-moins

Enfin, la radioactivité gamma (de signe γ) consiste, pour certains noyaux, à l’émission de rayons gamma. Ces rayons sont de la lumière à très haute énergie, plus grande encore que les rayons X, mais qui est invisible à l’œil nu. La composition du noyau reste la même.

La radioactivité gamma

La période radioactive (ou demi-vie) :

Les transmutations de matière ne se produisent pas immédiatement, mais selon une période radioactive particulière. Le terme de "période" peut prêter à confusion, la radioactivité n’est pas un phénomène périodique, mais bref, ça c’est juste de la sémantique.

Pour comprendre ce qu’est la période radioactive, imaginons une population composée de très nombreux atomes radioactifs tous identiques : la période de cette population est égale à la durée au bout de laquelle la moitié des atomes qui la constituent au départ se seront transmutés en d’autres atomes, après une seconde période, la population restante, c’est-à-dire les atomes qui ne se sont pas encore désintégrés, est de nouveau divisée en deux et ainsi de suite. Cela donne lieu à une décroissance exponentielle et continue.  

Il faut bien savoir que la période radioactive d’un atome est une des propriétés intrinsèque du noyau, nous ne pouvons en aucun cas la changer.

Les atomes radioactifs finissent donc par mourir, mais bien sûr, le rythme auquel ils meurent est bien différent du notre. Nous naissons, nous grandissons, nous vieillissons mais finissions par succomber. Les risques que nous mourrons de vieillesse augmentent et croîent en même temps que notre âge est important, ainsi, plus nous sommes vieux, plus les chances que nous mourrions sont grandes. Mais les atomes ne vieillissent pas et cela ne se produit pas de la sorte. C’est-à-dire qu’un atome né il y a 3000 ans a autant de chances de mourir qu’un atome là depuis des milliards d’années. Ils meurent sans avoir vieilli. La période radioactive ne permet cependant pas de déterminer le moment précis auquel un atome radioactif meurt, ce n’est que des statistiques et des probabilités basées sur des moyennes. Un atome peut ainsi vivre des milliards d’années, certains peuvent même vivre plus longtemps que l’âge actuel de l’Univers.

Enfin, sachez que le nombre de neutrons peut avoir un rôle quant à la durée de la période radioactive, par exemple, l’uranium a 92 protons et tous les noyaux d’uranium ont ce même nombre de protons, toutefois, il arrive que certains noyaux n’aient pas le même nombre de neutrons, ce sont les isotopes de l’uranium. C’est par ailleurs ce qui explique la rareté de certains isotopes qui eux ont une désintégration plus rapide que d’autres.

Des atomes radioactifs dans le corps humain :

Pour l’anecdote, il existe de nombreux atomes radioactifs, et certains nous composent à l’heure où je vous parle, c’est-à-dire qu’il existe des atomes radioactifs à l’intérieur de notre corps, qui subissent au même titre que les autres des périodes radioactives. Et oui, nous sommes radioactifs. Mais pas de panique, c’est vraiment pas grand-chose. Une bouteille de lait est radioactive par exemple, mais pas besoin d’aller à l’hôpital quand on en boit. Qui plus est, on retrouve des milliards de milliards d’atomes dans la mine d’un crayon alors bon…  

Statistiquement, pour un être humain de 70 kilos, le fait qu’il soit composé de potassium 40 et de carbone 14 fait qu’il se produit environ 10 000 désintégrations en une seule seconde dans son corps. Les scientifiques ont inventé une échelle de mesure, c’est le becquerel (Bq), et 1 becquerel correspond à une désintégration radioactive. Donc, compte tenu de ce que je viens de dire, un être humain de 70 kilos a une activité radioactive de 10 000 becquerels, et le lait a 80 Bq/L.

La radioactivité artificielle :

Toute la radioactivité dont on a parlée est naturelle. Cependant, il existe un autre type de radioactivité, celle "artificielle". Elle résulte d’atomes créés artificiellement par l’être humain. En outre, les mêmes lois physiques sont appliquées quant à ces deux types de radioactivité, mais dans le cas de celle artificielle, les périodes radioactives sont en général beaucoup plus courtes. Historiquement, ce sont la fille et le gendre de Marie et Pierre Curie qui ont découvert en 1933 ce genre de radioactivité et reçurent un prix Nobel pour leur découverte. Comme quoi, la famille Curie était vraiment exceptionnelle.

Les atomes radioactifs artificiels sont obtenus en bombardant le noyau d’un atome avec des neutrons, et le fait que le neutron soit neutre lui permet de se mélanger et de s’imposer dans le noyau du second atome. Ce processus mène à un nouvel assemblage des protons et des neutrons du noyau initial, donnant souvent un nouvel atome radioactif.

Cette méthode permet de créer de nouveaux atomes, et ceux plus lourds que l’uranium (étant l’atome naturel le plus lourd de l’Univers) sont appelés transuraniens. Quelques fois, les atomes ont un tel écart entre leur nombre de neutrons et de protons dans leur noyau que cela donne lieu à un genre spécial de radioactivité (appelée désintégration bêta-plus : β+) consistant à la transformation d'un proton en un neutron avec émission d'un positron et d'un neutrino.  

La radioactivité de certains noyaux est la raison pour laquelle ils sont utilisés dans les centrales nucléaires ou dans les bombes atomiques. C’est plus précisément la fission engendrée par la désintégration radioactive qui permet la libération d’une énergie intense d’après E=mc². C’est la découverte de la fission nucléaire peu de temps avant la seconde guerre mondiale qui donna naissance à la bombe d’Hiroshima, puis à la course à l’armement nucléaire entre les États-Unis et la Russie, la guerre froide.

Les dangers de la radioactivité :

On a parlé plus tôt de l'activité radioactive du lait, d'environ 80 Bq/L en temps normal. Vous avez peut-être trouvé ça inquiétant, mais l'OMS (Organisation Mondiale de la Santé) considère que l'on peut consommer du lait tant qu'il ne dépasse pas les 600 Bq/L. La radioactivité est partout mais elle reste cependant dangereuse pour la santé lorsque les doses augmentent trop. Par exemple, toujours dans l'optique du lait, en 1986, la centrale nucléaire de Tchernobyl en Ukraine a explosé, irradiant tous les pays européens, y compris les troupeaux de vaches ayant reçues des doses anormalement élevées de radiation. Conséquence, dans certaines régions de France, le lait est grimpé jusqu'à 6000 Bq/L ! Ce qui est énorme pour du lait et dangereux pour la santé du consommateur.

Bon, le lait ce n'est pas grand-chose et cette dose de radiation n'aurait été très dangereuse qu'après plusieurs mois de consommation continue. Par contre, en ce qui concerne le radium, l'élément radioactif découvert par Marie et Pierre Curie est bien plus radioactif que l'uranium, il peut brûler la peau après une exposition trop longue, et c'est ce qui engendra le développement d'un cancer (leucémie) chez Marie Curie, et, en 1934, sa mort. Malheureusement, à l'époque, les dangers de la radioactivité n'étaient pas compris, et c'est aussi ce qui causa la mort de sa fille Irène.  

Il existe une échelle de mesure mesurant les dangers de la radioactivité sur la santé, c'est le millisievert (mSv). Une dose supérieure à 20 mSv en une année est le maximum que peuvent subir les personnes qui travaillent avec du matériel nucléaire, 10 000 mSv est la dose fatale. En moyenne, les Français absorbent 3,5 mSv chaque année.

On utilise aussi une échelle qui définit le niveau de danger lorsqu'une anomalie du fonctionnement d'une centrale nucléaire est détectée, allant de 0 à 7. Le niveau 7 étant un risque majeur, mais rare.

Les niveaux de danger d'une centrale nucléaire

Mots-clés : radioactivité, bombes atomiques, interaction faible, interaction nucléaire faible, forces nucléaires, Marie Curie, radium, atomes, répulsion électrostatique, uranium, radioactivité alpha, radioactivité bêta-moins, radioactivité bêta, radioactivité bêta-plus, radioactivité gamma, particules alpha, période radioactive, demi-vie, becquerel, désintégration bêta, Tchernobyl

Sources :

  • Les secrets de la matière - Étienne Klein
  • L'atome en clair - Isabelle Desit-Ricard