Vulgarisation scientifique - Les trous noirs

Article écrit par Thomas Gysemans#0001

Publié le 6/23/2023 , modifié le 7/18/2023

La théorie de la relativité d'Albert Einstein prédit qu'il devait exister, quelque part dans l'Univers, des points dans l'espace-temps où la masse était quasiment infinie, une si grande masse qui engendrerait comme un puit dans le tissu spatio-temporel : une singularité.

Les trous noirs peuvent attirer des objets grâce à leur masse, concentrée dans leur singularité, dans leur centre. Ils attirent car cette singularité déforme l'espace-temps d'une telle façon que les objets qui s'approchent trop près sont destinés à y tomber et à ne plus jamais en ressortir : même la lumière.

Les trous noirs :

Les trous noirs sont considérés comme les corps célestes les plus complexes de l'Univers, car nous ne pouvons pas les voir, étant donné qu'ils "avalent" la lumière passant autour et ne la renvoient jamais.

Un trou noir est composé d'un disque d'accrétion très chaud et très rapide composé de matière qu'il s'apprête à "dévorer", un quasar (ou blazar pour les plus impressionnant d'entre eux), puis il y a l'horizon des événements, c'est la limite du trou noir, c'est-à-dire que lorsque tu y entres, tu n'y ressors jamais !

Représentation fidèle d'un trou noir

Puis à l'intérieur de cet horizon des événements, il s'y trouve une singularité de l'espace-temps. Un point dans l'Univers d'une masse quasiment infinie, ce qui fait que le temps s'y arrête presque et que cela cause une déformation de l'espace tellement grande que même la vitesse de la lumière n'est plus suffisante pour sortir du "puit" engendré par la singularité.

Ce phénomène de singularité est tellement complexe et intense que toutes les lois physiques classiques ne s'y appliquent plus. Nous devons alors utilisé des théories dites "quantiques" car elles prennent en compte le principe d'incertitude, fondement de toutes les théories quantiques (la relativité générale d'Einstein est une théorie "classique").

L'intense gravité provoque ainsi une telle distorsion de l'espace-temps que le temps ralentit plus vous vous approchez de l'horizon.

Photo réelle d'un trou noir :

En avril 2019, une réelle photo d'un trou noir a été prise. L'exploit réside dans la façon dont cela a été fait, car en temps normal il aurait fallu un télescope de la taille de la Terre pour voir ça :

Photo réelle d'un trou noir

On y voit le disque d'accrétion de matière autour de l'horizon des événements. C'est le trou noir galactique (trou noir au centre d'une galaxie) de la galaxie M87, située à environ 53 millions d'années-lumière. On voit donc le trou noir comme il était il y a 53 millions d'années (la lumière met 1 an à parcourir 1 année-lumière).

Description mathématique des trous noirs :

Il est possible de conceptualiser les trous noirs comme des objets mathématiques via des formules simples grâce à Newton. On se rappelle que l'horizon des trous noirs est comme une sphère à partir de laquelle la lumière ne peut plus s'échapper de l'attraction gravitationnelle intense du trou noir. Mais qu'est-ce qui fait que cela n'est plus possible ?

Sur Terre, vous êtes-vous déjà demandé à quelle vitesse il faudrait jeter un objet en l'air pour qu'il se retrouve dans l'espace et ne revienne jamais ? C'est simple. Quand vous lancez un objet à une certaine vitesse, il acquiert de l'énergie cinétique (énergie de mouvement). Plus la vitesse est importante, plus l'énergie cinétique l'est aussi. C'est cette énergie qui sera dépensée par l'objet pour vaincre l'attraction gravitationnelle de la Terre, à laquelle on peut attribuer une énergie : l'énergie gravitationnelle. Pour que l'objet quitte l'attraction terrestre, il faut tout simplement que son énergie cinétique soit plus important que l'énergie gravitationnelle. Voici les calculs :

L'énergie cinétique :

Ec=12mv2E_c = \dfrac{1}{2} * mv^2

Pour l'énergie gravitationnelle :

mMGRm\dfrac{MG}{R}

Avec m la masse de l'objet, M la masse de la planète, R son rayon, et G la constante gravitationnelle :

G6.67.1011N.m2.kg2G ≈6.67.10^{-11} N.m^{-2}.kg^{-2}

En outre, la condition pour que la balle puisse s'arracher définitivement de l'attraction terrestre est la suivante :  

v>2GMRv > \sqrt{\dfrac{2GM}{R}}

G est la constante gravitationnelle, M la masse de la planète en tonnes, et R son rayon en kilomètres, ce qui donne v (en m/s), la vitesse de libération, c'est-à-dire la vitesse minimum nécessaire pour qu'un objet puisse s'échapper de l'attraction gravitationnelle du corps céleste sur lequel il est.

Comparaison des vitesses de libération
Astre Masse (tonnes) Rayon (km) Vitesse de libération
Terre 6.1021 6340 11 km/s
Lune 7,3.1019 1738 2,4 km/s
Cellule 12 2.1027 700 000 617 km/s

Maintenant, imaginons un astre d'un rayon R de 1 mètre (0,001 km), mais avec la masse du Soleil :

v=2GMRv=26.67.10112.10270.001v=16334013km/sv = \sqrt{\dfrac{2GM}{R}} \newline v = \sqrt{\dfrac{2*6.67.10^{-11}*2.10^{27}}{0.001}} \newline v = 16 334 013 km/s

Or, la vitesse de la lumière est :

c=299792.458km/sc = 299 792.458 km/s

On a donc, pour cet exemple d'un astre hypothétique de 1 mètre de rayon et avec la masse du Soleil :

v>cv > c

En conclusion, tout astre suffisamment massif peut engendrer une vitesse de libération plus importante que celle de la lumière, et c'est exactement ce qu'il se passe dans le cas d'un trou noir. En effet, quand une étoile d'une masse encore plus importante que celle du Soleil finit par épuiser son carburant, elle va commencer à s'effondrer sur elle-même (l'énergie nucléaire créée ne compensant plus l'effondrement gravitationnel) jusqu'à atteindre un rayon qui permet à la vitesse de libération de dépasser la vitesse de la lumière, autrement dit, jusqu'à former un trou noir stellaire.

Pour aller plus loin, on peut modifier la formule pour en déterminer la distance minimale à laquelle on doit être pour que la vitesse de libération repasse en-dessous de la vitesse de la lumière. En d'autres mots, la distance D par rapport à l'astre jusqu'à laquelle même la lumière est aspirée. Bref, la condition pour être aspiré est la suivante :

D<2GMc2D < \dfrac{2GM}{c^2}

Si vous êtes trop proche de l'astre, vous serez aspiré(e). On appelle cette distance la distance critique, le point de non-retour ou encore le rayon de Schwarzschild. C'est ce rayon autour de la singularité qui définit l'horizon des événements d'un trou noir. En effet, il n'y a aucune frontière physique.

Cela dit, ces calculs ne suffisent pas à prouver l'existence des trous noirs car il s'agit ici de la gravitation newtonienne, supplantée par la relativité générale d'Einstein. Cela signifie qu'il est nécessaire de passer via les équations de la relativité pour, du moins, supposer de l'existence de ces trous noirs. En effet, il s'agit d'une description simple, mais en réalité, vous n'avez pas du tout besoin d'aller à une vitesse de 11 km/s pour quitter l'attraction terrestre. Cela est possible même à une vitesse de 1 m/s, si toutefois vous conservez cette vitesse initiale.

La faille réside dans le fait que Newton décrit la gravité comme une force, or c'est faux. Fondamentalement, il est inexacte de dire "la force de gravité". Einstein a prouvé que la gravité est le résultat de la courbure de l'espace-temps, courbure réalisée par la masse d'un objet, un peu comme si vous tendiez un drap et que vous mettiez un objet lourd au centre, vous verriez une courbure se créer. En bref, et pour la faire simple, au niveau de l'horizon, la courbure de l'espace-temps est si intense qu'aucune force ne peut s'y opposer, contrairement à une fusée se déplaçant sans arrêt à 1 m/s pour s'éloigner de la surface de la Terre.

En savoir plus sur la gravité ?

L'effet Doppler :

Avant d'aller plus loin, parlons de l'effet Doppler...

Imaginez une voiture de police, gyrophares enclenchés, roulant rapidement sur une route horizontale par rapport à vous. Lorsque vous l'entendez au loin, les sons de ses gyrophares sont graves, lorsque la voiture se rapproche, les sons de ses gyrophares deviennent de plus en plus aiguës. C'est-à-dire que les espaces entre les ondes sonores se rapprochent, c'est l'effet Doppler. Mais les ondes sonores ne sont pas les seules à être impactées, les ondes lumineuses aussi. Prenons par exemple les galaxies, les plus éloignées d'entre elles sont de couleur rougeâtre, c'est le décalage vers le rouge du spectre lumineux.

L'effet Doppler

Dans le fichier audio ci-dessous nous entendons un diapason électronique, à certains moments, il est plus loin du micro enregistrant son son, à d'autres moments, il est plus près. Pouvez-vous deviner quand le diapason est proche et quand est-ce qu'il est plus loin ?

Un astronaute avalé par un trou noir :

Imaginons-nous dans un vaisseau spatial suffisamment proche d'un trou noir, mais suffisamment loin pour ne pas être attiré, envoyant un astronaute (pour on ne sait quelle raison), équipé d'un appareil nous envoyant un signal radio toutes les secondes, vers l'horizon des événements du trou noir. Il sera irrémédiablement attiré vers ce dernier. Puis au bout d'un moment, nous remarquerons que l'espace entre deux envois du signal se rallonge de plus en plus, jusqu'à ce que nous ne recevions plus aucun signal. En effet, comme le temps "ralentit", une seconde pour l'astronaute, cela peut être plusieurs minutes, plusieurs heures, voir plus, pour nous, situés plus loin du trou noir. Enfin, en ce qui concerne le sort de l'astronaute, le champ gravitationnel du trou noir, une fois arrivé proche de l'horizon, voire une fois arrivé à l'intérieur même, deviendra si intense à ses pieds (donc moindre à sa tête) qu'il sera "spaghettifié" (c'est la spaghettification). Le pauvre deviendra un spaghetto de l'épaisseur d'un atome ! Même si c'est un bon moyen pour le trou noir de le digérer, ça ne donne pas vraiment envie de s'y aventurer !

Vue d'artiste d'une étoile aspirée par un trou noir 

Cependant, il faut savoir que la spaghettification n'est pas du tout spécifique à un trou noir, surtout que ce phénomène n'intervient pas nécessairement avant de plonger dans l'horizon. En effet, ceci est le résultat de la force de marée, et plus le trou noir est massif, plus la force de marée diminue. En bref, il est tout à fait possible de passer l'horizon des événements sans y laisser la vie.

En ce qui concerne l'astronaute, une fois à l'intérieur de l'horizon, notre conceptualisation commune de l'espace-temps est entièrement bafouée : pour nous le temps s'écoule, et nous pouvons rester immobile dans l'espace, mais là c'est différent, le temps s'écoule dans un espace déformé. Cela veut dire que vous tomberez inéluctablement vers la singularité d'autant plus si vous vous débattez. Le mystère reste toutefois complet sur ce que l'on pourrait y voir ou ne pas voir à l'intérieur.

Pour plus de détails :

Le rayonnement de Hawking :

Mais ce n'est pas fini. Nous n'avons pas encore vu que les trous noirs émettent un rayonnement ! Le célèbre rayonnement de Hawking, du nom du célèbre scientifique Stephen Hawking, malheureusement décédé en mars 2018. Le rayonnement de Hawking, c'est quoi ? Le champ gravitationnel du trou noir est si intense qu'il crée des forces de marées : plus on est proche du trou noir, même au niveau subatomique, plus la force exercée par le trou noir sur la particule est intense, la force est donc moindre à l'autre extrémité. Cela a pour effet d'étirer n'importe quel objet. C'est pour cette raison qu'un astronaute plongeant dans un trou noir finit étiré comme un spaghetto. Les forces de marées vont provoquer la dissociation définitive des particules virtuelles. Ces dernières sont des particules qui apparaissent et disparaissent en fonction des lois de la mécanique quantique. Elles apparaissent toujours en pair : une particule d'énergie positive, une autre particule d'énergie négative. Ainsi, lorsqu'elles s'approchent du trou noir, la plus proche va y tomber, car elle est plus intensément attirée, tandis que l'autre va en profiter pour fuir. Ce flux d'énergie a pour effet de diminuer la masse du trou noir (car, d'après Albert Einstein, une perte d'énergie est synonyme d'une perte de masse), mais plus la masse du trou noir est petite, plus le rayonnement de Hawking est important, ce qui a pour effet de diminuer de plus en plus rapidement la masse du trou noir, il s'évaporera jusqu'à sa "mort". Mais ce phénomène peut prendre une éternité pour les plus massifs des trous noirs... Et puis, on ne sait pas vraiment à quoi cela pourrait ressembler.

Description de l'image

Mais ce n'est pas tout ! Il existe une théorie qui dit que la singularité d'un trou noir pourrait mener à des Univers parallèles, libérant toute la matière acquise par le trou noir au moyen d'une hypothétique déchirure de l'espace-temps causée par la singularité, mais c'est impossible à vérifier à l'heure actuelle. 

Le paradoxe de l'information des trous noirs :

Avant tout, il faut savoir que lorsqu'on parle d'informations, on parle de tout ce qui caractérise un objet (charge électrique, masse, énergie,...).

D'après Einstein, lorsque un trou noir "avale" un objet, il avalerait aussi ses informations. Il serait donc logique de penser qu'elles seraient perdues à jamais. Selon Stephen Hawking, les trous noirs garderaient en mémoire les informations absorbées. Elles seraient donc indestructibles. Ce qui aurait pour conséquence que lorsque un objet traverse l'horizon des événements, nous le considérons comme détruit alors que ses informations seraient stockées à l'intérieur du trou noir, ou sur sa surface, l'objet ne serait donc pas totalement détruit. Il est alors possible d'envisager l'hypothèse que les informations d'un objet "avalé" par le trou noir puissent ressortir, nous pouvons aussi envisager la possibilité que des informations soient mélangées à l'intérieur du trou noir. Vous vous souvenez de notre astronaute spaghettifié ? Il serait alors possible que ses informations soient mélangées aux informations d'une planète ! Maintenant, imaginons que la théorie selon laquelle la singularité d'un trou noir mène à un univers parallèle soit exacte et que toute la matière y soit expulsée au bout d'un moment, l'astronaute pourrait finalement devenir une infime partie de quelque chose d'autre dans un univers parallèle ! Il en a fait du chemin !

Mots-clés : astronomie, trou noir, relativité générale, rayonnement de hawking, stephen hawking, albert einstein, paradoxe de l'information, effet doppler, Isaac Newton, dilatation du temps

Sources :